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Théâtre en Normandie

Jean-François Driant ou les capacités de se réinventer

28 Octobre 2013 , Rédigé par Vicaire François

Jean-François Driant ou les capacités de se réinventer

Être dans le présent tout en regardant vers l'avenir, c'est un exercice auquel tout directeur de théâtre est obligé de se plier quand il prépare sa saison prochaine alors que celle en cours n'est pas terminée.

Mais le challenge auquel est confronté Jean-François Driant est beaucoup plus subtil et redoutable. En effet, en 2014, il abandonnera la Gare Maritime pour réintégrer un nouveau « Volcan » complétement repensé, redistribué avec en perspective une seconde salle qui viendra compléter ce qui va être certainement un des complexes parmi les plus s de la Normandie.

Mais cette belle organisation comportait le risque de casser non pas l'outil en lui-même puisqu'il n'existait plus mais d'établir avec celui qui était à prévoir une logique dans laquelle le public havrais ne puisse se retrouver :

« Il est évident qu'on ne pouvait pas faire à la Gare Maritime ce qu'on faisait au « Volcan » et qu'on ne pourra pas faire au « Volcan » ce que nous faisions à la Gare Maritime... Ce sont des lieux totalement différents avec leur passé, leur spécificité et surtout cette ambiance et cette configuration bien particulière qui viennent de leur histoire particulière. La Gare Maritime, d'un espace contraint devenait ainsi un véritable champ d'expérimentation. L'expérience, justement, nous a apporté une grande souplesse et une proximité entre les équipes et le public qu'une très grande salle ne peut apporter. Dans ce nouveau lieu qu'il fallait apprivoiser, nous avons pu renouer avec le principe des séries que la jauge du grand Volcan ne permet pas de pratiquer... l'avantage a été aussi de resserrer les liens entre les « familles » techniques et artistiques».

Un des exemples les plus évidents de cet aménagement est le nombre de compagnies – elles sont sept – qui sont venues ou vont venir à la Gare Maritime pour des résidences qui ont débouché sur des créations. Parmi elles, « Pearl » que Paul Desveaux va présenter du 5 au 8 novembre et qui est une évocation, écrite par Fabrice Melquiot sur des musiques de Vincent Artaud, de l'incandescente Janis Joplin.

Des exaltations inédites

A vrai dire quand Jean-François Driant fait le bilan des avantages et des inconvénients de cette installation à la gare maritime, il y trouve beaucoup d'avantages et, en réalité, assez peu d'inconvénients. Parmi eux, il y a la situation quelque peu excentrée de la gare maritime qui n'incite pas le public à venir d'emblée au théâtre alors que la position centrale du « Volcan » favorisait cette « immédiateté » à laquelle Driant est sensible. Mais, si le public vient dans une démarche beaucoup plus volontariste, il reste toujours aussi fidèle et c'est le principal. Une fréquentation qui ne s'est jamais démentie permet de mesurer les capacités d'intérêt de saisons qui, qu'elles soient dans le centre ou à l'extérieur du Havre, gardent un impact fort.

Et d'une certaine manière, c'est un peu le problème. Si l 'équipe du « Volcan », boostée par son directeur, se sent si bien quai Johannes Couvert et que les spectateurs ne rechignent pas à venir, il va néanmoins falloir repartir en quelque sorte à zéro.

Ce qui n'est pas sans séduire Jean-François Driant qui, d'un naturel aventurier, s'était trouvé plutôt à l'aise dans ces murs dont il a fait en trois ans de temps, une réalité sensible. Le fait de les quitter pour en découvrir d'autres ouvre les portes à des exaltations inédites :

« La gare maritime est, de toute manière, un lieu extraordinaire. Notre installation nous a obligé à nous renouveler et nous allons être obligés de refaire le chemin inverse. Entre la nostalgie de ce que l'on quitte et l'excitation de ce que l'on va découvrir, c'est une nouvelle histoire qui s'ouvre. Se donner les capacités de se réinventer la nouvelle vie. C'est la magie du renouvellement... mais est-ce que ce n'est pas le propre du spectacle ? »

Un bel outil en trois salles

Il faut dire qu'en reprenant ses marques dans le centre du Havre, Jean-François Driant va trouver un bel outil : trois lieux dont une grande salle dont la jauge et le plateau ont été réduits quelque peu pour garantir aux spectateurs une vision qui ne laissera aucune place « aveugle », une petite salle de 200 places qui sera consacrée plus spécialement aux juniors, aux conférences et constituera le plateau de répétition qui manquait jusque-là cruellement à la maison. Et enfin un lieu de convivialité qui renouera avec la grande tradition des « clubs de jazz ». D'ailleurs – et c'est déjà un signe que l'on peut enregistrer dans les saisons du « Volcan Maritime », Jean-François Driant veut développer le volet musical de sa nouvelle maison. Que ce soit avec le conservatoire qui ne compte pas moins de 1500 élèves ou des systèmes associatifs qui se consacrent à la musique, Le Havre est une ville de musicien et le « Volcan », pour Jean-François Driant a son rôle à jouer dans un domaine dans lequel la Haute-Normandie est assez en sommeil. Dans sa nouvelle salle, il compte bien recevoir, grâce à son plateau et son acoustique repensée, les grandes formations orchestrales nationales et internationales.

Enfin, il y a ce deuxième projet situé un peu à l'écart du Grand Volcan et qui viendra se substituer au « petit » qui devient bibliothèque. Un lieu bien distinct qui va accueillir des espaces de répétition, de production et les ateliers de fabrication et qui devrait d'une manière générale recevoir toutes les familles de théâtres la grand salle étant plus spécialement réservée à la musique, à la danse, au cirque et en règle générale tous les spectacles réclamant un grand plateau... (On aimerait, entre parenthèses, que Rouen se dote un jour d'un même outil performant).

En 2011, l'équipe du « Volcan » s'était lancée dans une phase où tout était à inventer... Avec la réouverture, dans un an, du « Grand Volcan » et celle aux alentours de 2016 de la seconde salle, Jean-François Driant va s'engager dans une nouvelle réflexion qui le pousse dès aujourd'hui à voir plus loin et sur la durée sans regarder en arrière.

Et c'est la sagesse quand on sait que, hélas, le lieu dont le grand hall est déjà à lui seul une véritable invitation aux voyages, et qui véhicule tant de souvenirs liés depuis la Transat jusqu'aux dernières traversées mythiques du « France », à l'histoire sociale et économique du Havre, va vraisemblablement être livré aux démolisseurs pour laisser la place à un complexe usinier.

Rideau !

- "Pearl" - les 5, 6, 7 et novembre à 20 heures au Volcan Maritime

Notre photo - Paul Desveaux et Jean-François Driant, une pause au soleil entre deux répétitions dans un décor d'évasions

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