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Théâtre en Normandie

Sophie Lecarpentier : libérer les corps et décapsuler les cervelles

30 Novembre 2013 , Rédigé par Vicaire François

Sophie Lecarpentier : libérer les corps et décapsuler les cervelles

Avant de l'emmener aux Deux-Rives en février, Sophie Lecarpentier sera avec « Kvetch » de Steven Berkoff le vendredi 6 décembre à l'Espace Philippe-Auguste de Vernon.

Présenté en juin dernier au festival des Mots de la Charité-sur-Loire, ce « drame corporel » fait revenir Sophie Lecarpentier à l'écriture contemporaine. Elle avait, en effet, mis de côté la fréquentation assidue qu'elle entretient avec les auteurs de son temps pour retrouver du côté de Marivaux et de Beaumarchais les bonheurs toujours renouvelés du classicisme. Il y avait eu « L'épreuve » puis ces « Trois folles journées », réalisées en collaboration avec Frédéric Cherboeuf. Un triptyque qui mettait en évidence la palette dramatique du père de Figaro et surtout la prescience des événements politiques et sociaux qui se profilaient et dont il avait été un des premiers à dessiner les contours.

Après cette incursion au siècle des Lumières, la compagnie « Eulalie » était revenue à des amours plus actuelles en confiant à Julien Saada « Du bouc à l'espace vide » un texte dont il est tout à la fois l'auteur et l'interprète. Produit d'un compagnonnage qui date maintenant de six ans, Saada est pratiquement de toutes les aventures de la compagnie y compris pour « Kvetch » dans lequel il est de la distribution.

Une fidélité qui s'inscrit dans un esprit de partenariat que Sophie Lecarpentier poursuit également avec Frédéric Cherboeuf à qui elle avait confié la mise en scène de la pièce d'Hervé Le Tellier, « Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable »... un titre qui est en lui-même tout un programme à la fois amer et délirant. Philosophe, journaliste et grand oulipien, Le Tellier a marqué le retour de Sophie Lecarpentier dans cette république des mots à laquelle elle est particulièrement attachée :

Après avoir travaillé sur des classiques pendant quelques années, je rêvais d’une pièce contemporaine qui parle du Théâtre et réactive la liberté folle du plateau. « Kvetch », c’est le territoire de tous les possibles, de toutes les audaces ; c’est l’autorisation de dire avec les mots ce que les mots s’emploient sans cesse à cacher ; c’est la nécessité de dire avec les corps ce que la société et nos « surmoi » interdisent sans cesse de montrer.

Sophie Lecarpentier : libérer les corps et décapsuler les cervelles

Acteur, metteur en scène, auteur de nouvelles et poète, Berkoff se réfère d'une certaine manière à des auteurs comme Antonin Artaud. En réalité, c'est un dissident qui revendique avant toute autre chose l'efficacité poétique du langage, d'où chez lui une certaine propension à la provocation dans laquelle il voit le moyen de libérer les corps et l'imagination de l'acteur et, par voie de conséquence celle du spectateur.
Rien d'étonnant donc à ce que son théâtre s'inscrive dans une conception singulière et un style dans lequel la mobilité des mots, des idées et des corps s'entremêlent et bousculent les codes et font un sort définitif aux préjugés :

La langue de Berkoff est scandaleuse. Elle libère les corps et l'imagination de l'acteur comme du spectateur. Elle épouse le flux de la vie. Elle devient énergie, pensée vive et éclats de rire.

Le spectacle joue de cette provocation, comme un théâtre puissance mille, avec un décor minimal, une lumière stylisée, mais des acteurs à la puissance mille et l’invention jubilatoire.

Pour moi, « Kvetch » est un vaudeville et une tragédie shakespearienne. Berkoff, est un Pinter qui aurait lu Pirandello… Par sa théâtralité originale, la pièce réussi à mêler ainsi politique et humour, dénonciation et sensualité...

L'argument met en présence cinq petits bourgeois qui sont croqués dans le vif de leur vie quotidienne, de sa banalité, de sa routine.

Dans cet engrenage du « rien », Berkoff s'interroge sur ce qu'ils disent, sur ce qu'ils pensent, sur ce qu'ils aiment et leur laisse la parole, non pas celle qu'ils emploient habituellement mais celle qu'ils ont « à l'arrière de la tête » et que la plupart du temps ils enfouissent dans leur inconscient. Un procédé qui permet de libérer ce « Kvetch » tapi à l'intérieur de leur crâne, là où les inhibitions et les fantasmes font écran à leurs désirs inavouables. C'est une séance d'introspection qui permet aux personnages de se dégager des « non dits » et de se « décapsuler les cervelles » :

« Kvetch » -

Espace Philippe-Auguste – Vernon – Vendredi 6 décembre – 20 heures 30

Théâtre des Deux-Rives/CDN – Jeudi 20 et vendredi 21 février à 19 heures 30

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