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Théâtre en Normandie

Karine Deshayes et Laurence Equilbey, la parfaite complémentarité

14 Juin 2015 , Rédigé par François Vicaire

Karine Deshayes et Laurence Equilbey, la parfaite complémentarité

De Régine Crespin qui avait tout compris à Jessye Norman qui passa à côté, toutes les cantatrices – qu'elles soient mezzo-colorature ou soprano dramatique – ont abordé « Les nuits d'été » de Berlioz tant cette œuvre met parfaitement en valeur la beauté d'un timbre et la musicalité de ses interprètes. Les unes en ont donné des versions qui restent fidèles à la lumière épurée d'une œuvre pétrie d'émotion alors que d'autres se sont lancées dans des versions lyrico-déclamatoires confondant le style et l'intention.

Karine Deshayes, quant à elle, se situe très parfaitement dans la première catégorie.

L'interprétation qu'elle a donnée à l'Opéra de Rouen de ces six pièces autour des poèmes de Théophile Gautier constitue un petit bijou d'élégance, de sobriété et d'émotion contenue qui résume véritablement cet « art français » de la mélodie. Berlioz, ce grand déchiré, joue avec les transparences et les fluidités, la pudeur et la tendresse, des notions qui s'inscrivent dans la droite ligne de sa Marguerite de la « Damnation ». Karine Deshayes y est parfaite d'élégance, d'intériorité, voire de fragilité. Avec un phrasé dont on ne perd rien et dans les éclats mordorés d'une timbre qui a tendance à s'éclaircir, elle pare son chant d'admirables demi-teintes (« son spectre à la rose » est sublime). Son interprétation se situe à la juste place d'un style fait d'une grande sobriété sans pour autant négliger les frémissements du romantisme.

Il faut dire qu'elle trouve chez Laurence Equilbey, à la tête de l'excellent orchestre de l'opéra, une parfaite complémentarité d'intentions. Là encore, fluidité et transparence nimbent un discours musical dont les élans se retiennent et qui contredisent étrangement les fébrilités de « l'Athalie » qui composait la seconde partie de ce programme

Cette œuvre de Mendelssohn très peu connue (mais on peut se demander si elle mérite de l'être plus) est une sorte de pièce hybride dans lequel la musique et les textes de liaisons (de Racine quand même!) se partagent, si l'on peut dire, l'intérêt.

Les élégances de cette cantate de circonstance fleureraient bon leur « prix de Rome » si jamais le compositeur avait séjourné à la villa Medicis autrement que pour y rencontrer Berlioz et il faut admettre que son académisme est terriblement daté. Heureusement, Laurence Equilbey s'emploie autant qu'elle le peut à en gommer les rodomontades et permet à l'ensemble de se laisse écouter sans passion excessive mais sans déplaisir véritable. Tout cela grâce à un orchestre qui joue admirablement avec une pâte dont Laurence Equilbey sait maîtriser les chatoiements et grâce aussi à une belle masse chorale, dirigée par Christophe Grapperon, qui fait alterner les plages élégiaques à des instants grandioses, voire grandiloquents qu'elle porte avec une belle cohésion. Ils permettent, de plus, à Madjouline Zeran, Marie-Georges Monet et surtout Katia Velletaz qui fait valoir un timbre d'une belle solidité, de s'affirmer avec vaillance dans leurs emplois de solistes.

Enfin, il y a Racine dont de larges extraits sont confiés à Mathieu Genet qui a la périlleuse mission de hisser cette versification racinienne au niveau d'une musique intérieure qui, en réalité, se suffit à elle-même.

Mais il reste Berlioz qui avec ses « Nuits d'été », entre texte et musique, atteint justement à cette adéquation parfaite que Deshayes et Equilbey portent à ce point d'évanescence qu'on appelle la poésie.

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