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Théâtre en Normandie

Le Poème Harmonique : « Voyez mon cher esmoy »

20 Novembre 2015 , Rédigé par François Vicaire

Le Poème Harmonique   : « Voyez mon cher esmoy »

On ne pouvait pas ne pas y penser.

Ce mercredi dernier, salle Cortot à Paris, le « Poème Harmonique » présentait son nouveau spectacle qu'il avait créé quelques semaines plus tôt au théâtre du château à Eu.

Il était difficile, en effet, d'échapper au souvenir du drame qui, quelques jours auparavant, avait endeuillé Paris et le monde du spectacle.

Mais avec la réouverture des salles, la vie reprend son cours. D'aller au théâtre c'est aussi affirmer que la seule parade pour faire face, sans violence mais avec crânerie, à l'impensable, c'était bien encore la culture.

C'est une notion qui était particulièrement palpable dans la salle ce soir-là d'autant plus que le spectacle de Vincent Dumestre est construit autour du sentiment amoureux et que c'est bien d'amour que les parisiens et les français ont besoin actuellement.

Avec un choix d'auteurs trop peu connus de la fin du XVIème siècle (qui connaît encore, à part les spécialistes, Girard de Beaulieu, Didier Le Blanc ou Pierre Guédron?), Dumestre fait oeuvre de défricheur. Et c'est une des grandes qualités de ce spectacle que de mettre en valeur un répertoire à la fois savant et populaire qui déploie toutes les ressources d'imagination ou de tendresse que l'amour peut inspirer.

En cette fin de la Renaissance et à l'approche de nouvelles expressions qui trouveront leur apogée dans le siècle suivant, on se trouve au carrefour d'une évolution qui échappera rapidement aux influences italianisantes pour voir s'épanouir un véritable style français.

Mais on en est encore aux derniers feux d'un temps où l'amour courtois - qui se prolongera dans la préciosité- et les gaillardises font bon ménage. De romances en rigaudons, ce concert offre un bel éventail de ce que l'amour pouvait inspirer à une époque encore marquée par les violences des guerres de religion encore toutes proches et à laquelle la musique et la poésie pouvaient apporter une alternative.

L'actualité nous prouve que nous n'en sommes pas si loin !

Avec une grande élégance qui reste respectueuse mais se révèle particulièrement tonique, le « Poème » donne à ses interprétations un ton qui échappe à la reconstitution pour affirmer la primauté d'un art qui reste, en dépit des ans particulièrement vivant.

Dans ce florilège qui prend le coeur pour axe central, le remarquable ensemble instrumental mené par Vincent Dumestre et un solide quatuor vocal composé de Claire Lefilliatre, Bruno Levreur, Serge Goubioud et Marc Mauillon, restituent les beautés d'un art de vivre pétri de grâces arachnéennes mais qui sait aussi ne pas s'embarrasser de périphrases. Tout au long de ce concert, c'est tout un monde qui défile, qui s'aime et qui s'enflamme dans toutes les tonalités et chantent le plaisir d'aimer et d'être aimé. Le public y a été particulièrement sensible au-delà même de la charge affective dont la soirée était imprégnée C'est que le style, la beauté des timbres, la finesses du discours musical étaient d'une si parfaite qualité que ce sont des impressions qui emportaient l'adhésion et effaçaient tout autre considération. C'est la fonction essentielle de l'art quand il est bien mené que d'y parvenir et c'est le cas chez Vincent Dumestre.

Il n'en reste pas moins que si le « Paris est une fête » d'Hemingway est le livre que les événements pousse à relire, ce beau spectacle du « Poème Harmonique » permet d'ajouter aujourd'hui que si Paris est une fête, elle sait aussi être... amour !

Photo Jean Pouget

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