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Théâtre en Normandie

Laurent Dehors : le souffle du lyrisme

11 Octobre 2017 , Rédigé par François Vicaire

Il y a chez Laurent Dehors, une manière de faire rencontrer les musiques à la croisée de chemins et de leur ouvrir de nouveaux itinéraires. Il le fait en passant d'un genre à l'autre avec la merveilleuse mobilité que donne la pratique assidue de l'improvisation mise au service d'une culture protéiforme parfaitement maîtrisée.

Ainsi sa vie musicale oscille-t-elle entre deux passions, le jazz et l'opéra, qu'il a réussi à apprivoiser au point de les rendre complémentaire.

Une des meilleures illustrations de cette démarche toujours en mouvement sont ces « Sons de la vie » qui regroupent toutes les périodes d'un existence depuis la course des spermatozoïdes jusqu'au « Toi » qui est une véritable déclaration d'amour pour aboutir aux derniers instants d'un parcours à bout de souffle.

Au départ, ce véritable poème symphonique dans lequel les sons se substituent aux mots sans jamais pour tant en dénaturer les intentions, avait été écrit pour « Tous Dehors » et l'orchestre de l'Opéra de Normandie. Une confrontation qui avait mis en présence des expressions qu'on aurait pu croire antinomiques et dont avait résulté une osmose musicale tout à fait enrichissante.

De cette expérience d'envergure est née un enregistrement dans lequel Dehors a opéré, nécessité financière oblige, des compressions pour les 9 musiciens de sa formation rejoints par ces éléments « historiques » de « Tous Dehors » que sont Matthew Bourne et Marc Ducret.

En définitive la réduction opérée n'enlève rien à l'intérêt de l'entreprise mais donne une autre couleur à cette nouvelle configuration qui fait la part belle aux interprètes et à la volubilité de l'orchestration.

Il est vrai que c'est le genre d'exercice dont Laurent Dehors est coutumier. Il sait dégager les limites d'un genre - l'opéra en l'occurrence - pour le « tournicoter » à l'aune de sa fantaisie et de son humour tout en restant respectueux des codes qui le régissent.

C'était déjà le cas de sa «Petite histoire de l'opéra » dans laquelle il accommodait les « standards » du lyrique pour en donner une véritable réinterprétation à la fois décalée et fidèle. Il récidive cette fois avec un « Opus 2 » dans lequel on retrouve la même volonté de bousculer joyeusement les mythes tout en sauvegardant leurs références. Ce qui lui permet de faire griller le tournedos de Rossini pour le servir ensuite à la « petite table » de la Manon de Massenet ou pour bousculer les opéras « minute » de Milhaud, qui lui-même ne détestait pas le genre potache, pour en faire... des opéras « seconde ».

Tout est dans la manière. Dehors sait faire rire des choses tout en les maniant sérieusement. Cette succession d'airs empruntés à Wagner, à Monteverdi, à Mozart, à Puccini et même à Bernstein et à quelques autres vont trouver comme interprète Tineke Van Ingelgem, une cantatrice dont l'étendue de voix répond à ses grandes capacités d'humour. Le tout sera portée 13 mars à l'Opéra de Rouen par une équipe de musiciens rompus à toutes les formes de résonance, de rythme, de lyrisme et de couleurs auquel Laurent Dehors les soumet avec bonheur et gourmandise, depuis pratiquement quinze ans. Est venu s'y adjoindre Franck Vaillant, un « petit nouveau » qui est là quand même depuis six ans, avec lequel Laurent Dehors et Gabriel Gosse ont constitué un nouveau trio que l'on espère bien pouvoir entendre bientôt en Normandie.

Et puis, pour faire bonne mesure, il entame, en compagnie de Matthew Bourne avec qui il cultive l'art de la fraternité, une tournée consacrée aux chansons d'amour qui s'est construite sur  le paradoxe « qu'il n'y a pas une parole » .
D'ailleurs serait-il vraiment utile d'en mettre quand on sait combien, chez Laurent Dehors, les sons se suffisent à eux-mêmes.

Opéra de Rouen : "Une petite histoire de l'opéra 2"  -Mardi 13 mars à 20 heures

Photo : Léa Rouen

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