Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Théâtre en Normandie

Merghoub revient ... Pélissier s'en va !

23 Novembre 2013 , Rédigé par Vicaire François

Merghoub revient ... Pélissier s'en va !

Ahmed Merghoub peut avoir le sourire !

Après avoir affronté pendant plus de trois ans des assauts judiciaires qui auraient pu le briser aussi bien moralement que professionnellement, il est enfin sorti vainqueur de la situation ubuesque dans laquelle la ville de Rouen s'était fourvoyée.

Les péripéties de ces procédures sans fin – mais certainement pas sans frais pour la Ville – se sont soldées par un jugement définitif qui a condamné Rouen à le réintégrer dans ses fonctions ou tout du moins à un poste qui statutairement égale celui qu'on lui avait fait perdre.

Depuis, Madame Fourneyron ayant quitté Rouen pour des hauteurs ministérielles qui ne l'empêchaient pas de suivre de près l'évolution de la situation, c'est Yvon Robert qui a dû régler ce problème épineux.

En effet, le maire de Rouen s'est retrouvé dans l'obligation d'assurer le « suivi » de l'affaire et de lui apporter une conclusion honorable qui ne lui donne pas l'impression d'aller à Canossa sans déjuger celle dont il avait pris le fauteuil ni son entourage municipal immédiat qui avait donné la main à cet obscur règlement de compte.

Position inconfortable quand on se souvient que c'est lui qui fit venir Merghoub à Rouen pour lui confier la direction, d'abord, de Duchamp-Villon (qui, entre parenthèses, continue joyeusement de tomber en ruine dans l'indifférence générale) puis du Hangar 23.

Bref, homme de consensus et de mesure, le maire de Rouen devait redonner sa place et ses droits à celui qui avait été, en son temps, son poulain et dont il avait fait un des fers de lance d'une politique culturelle « ouverte ».

Il fallait donc trouver à Ahmed Merghoub de nouvelles fonctions. Avec un beau sens de l'opportunité, on décida, alors, de le bombarder « chargé de mission pour des opérations de coopération décentralisées » autrement dit, de mettre en place des systèmes de relations avec l'Algérie dans le cadre d'éventuels jumelages. Merghoub dut se dire qu'il avait de la chance de ne pas être né à Guéret sans quoi il se serait trouvé chargé de mission avec la Creuse !

La ficelle était un peu grosse et l'intéressé s'empressa de refuser d'autant plus que cette décision l'installait dans la situation, par définition amovible, d'un fonctionnaire et lui faisait perdre le statut contractuel qui était le sien.

L'affaire aurait pu s'enliser de nouveau si une rencontre entre Merghoub et Frédéric Roels, directeur de l'Opéra de Normandie n'avait permis de la débloquer. Entre les deux hommes, pétris de cultures géographiquement opposées, le courant passa sans problème et Yvon Robert n'eut aucune opposition à ce que cette entente se concrétisât.

Ainsi, Ahmed Merghoub retrouvait un poste qui ne lui donnait pas le sentiment d'être une voie de garage et l'Opéra de Rouen se dotait d'une personnalité dont la profonde connaissance des expressions chorégraphiques actuelles pouvaient amener un sang neuf dans la maison.

Tant au théâtre Duchamp-Villon qu'au Hangar 23, la danse dans tout ce qu'elle avait d'innovant et de parfois téméraire s'y était épanouie merveilleusement et avait donné le ton à la politique culturelle de la rive gauche... De là à penser que la rive droite pouvait en bénéficier, c'est un pas que Roels et Merghoub décidèrent de franchir ensemble.

Le premier garde la haute main sur les programmations et le second s'emploiera à insuffler sur la maison une expérience éclectique, ouverte et intelligente jusque dans ses témérités.

En s'installant rue du Docteur Rambert, l'ancien directeur du Hangar 23 a donc quitté le nouveau Centre Municipal remarquablement restauré en faisant, au passage, un sort à celui dont la caserne avait gardé le nom jusqu'à ces derniers temps. Il faut dire que le nom de Pélissier, grand artisan de la colonisation, n'a pas, en effet, laissé un souvenir assez glorieux pour qu'on le perpétue.

Pélissier qui finit sa carrière en tant que Gouverneur Général de l'Algérie et dont le buste plastronne sur la façade de sa maison natale à Maromme, a marqué l'Histoire de la décolonisation de nombreuses exactions qui lui valurent, entre autre, le surnom de « l'enfumeur de Dahra ». Il faut savoir, qu'à l'époque, et avec la bénédiction de ses supérieurs qui ne lui ménagèrent ni les honneurs, si les distinctions, Pélissier qui n'avait d'aimable que son prénom, fit bloquer des populations entières, femmes et enfants compris, dans des grottes qu'il faisait enfumer. Ceux qui en sortaient étaient abattus; quant aux autres, ils mouraient asphyxiés dans des conditions atroces. Il ne fut, hélas, pas le seul à user de ce tragique stratagème mais le surnom qu'il en a gardé fait étrangement tâche dans ses états de service. Les responsables municipaux, sensibilisés par Merghoub jugèrent qu'il était temps de faire descendre le maréchal, sans tambours ni trompettes, de son piédestal et de trouver un nouveau nom au Centre Municipal. C'est ainsi qu'il a été remplacé par celui de Charlotte Delbo qui fut secrétaire de Louis Jouvet. Grande figure de la résistance, elle connut la déportation et en porta témoignage dans des livres dont le théâtre s'est depuis emparé.

Quant à Pélissier, on peut dire que sa carrière posthume connaît un ultime et savoureux retour de bâton … de maréchal, bien sûr !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article