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Théâtre en Normandie

Putzulu dans « L'attentat », un investissemement à bras-le-corps

27 Mai 2015 , Rédigé par François Vicaire

Putzulu dans « L'attentat », un investissemement à bras-le-corps

Il y eut d'abord le livre, puis un film et une bande dessinée.

« L'attentat » de Yasmina Khadra n'en finit pas d'inspirer les auteurs mais curieusement le théâtre n'avait pas encore abordé ce drame de « l'incompréhensible » plus que de l'incompréhension.

C'est maintenant chose faite grâce à Franck Berthier et Amandine Klep qui en ont fait une adaptation pour la scène, qui était présentée la semaine dernière à la Comédie de Picardie à Amiens.

C'est pour rendre hommage aux femmes algériennes que Mohammed Moulessehoul a décidé de faire une grande partie de sa carrière littéraire sous le pseudonyme féminin de Yasmina Khadra. Et c'est derrière le voile symbolique des illusions il est- devenu une des grandes figures de la littérature maghrébine avec des livres comme « Les hirondelles de Kaboul » et « Les sirènes de Bagdad » qui forment avec « L'Attentat » une trilogie dramatiquement d'actualité .

De par les implications et la densité émotionnelle et historique de l'oeuvre, c'était un risque que de la ramener dans les limites de la théâtralité.

Franck Berthier dans sa mise en scène a pris le parti de suivre le découpage du livre en utilisant une suite de séquences. L'ensemble étant rythmé par une très évocatrice bande-son, de belles projections et des éléments scèniques dont la mobilité permet à l'action de dérouler l'inexorable écheveau dans lequel se débat le triste héros de ce drame qui a la force des tragédies antiques même s'il est terriblement de notre temps.

Un médecin palestinien installé en Israël se trouve du jour au lendemain confronté à l'impossible quand il apprend que sa femme, palestinienne elle aussi, est une kamikaze qui s'est fait sauter avec sa bombe dans un restaurant de Tel-Aviv. Echappant soudainement à la sécurité illusoire que lui donne sa double appartenance, il se voit confronté à l'incompréhension d'abord puis très rapidement à l'horreur. Tout va alors basculer. Il n'aura de cesse de chercher les raisons d'un comportement que jusqu'au bout, il aura du mal à admettre. Face à deux réalités qu'il refusait de voir jusque-là, celle de la réalité profonde et plus intime de la personnalité de sa femme et celle des blessures infligées au peuple palestinien, il va s'engager dans une course à la vérité dont il sera lui-même la victime.

Entouré d'une distribution sympathique mais assez inégale, Putzulu est le pivot de la pièce. Pathétique, violent, tour à tour brisé et révolté, il s'insère avec une parfaite virtuosité dans les méandres d'une pensée qui se perd un peu plus à chaque fois qu'elle approche de la vérité .

Putzulu prend ce rôle difficile à bras-le-corps dans un investissement tout à la fois physique et intellectuel. Dans le remarquable travail de comédien qu'il accomplit , il laisse percer chez le personnage cette petite fêlure qui, au milieu du tumulte qui le submerge, lui confère sa véritable dimension humaine.

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