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Théâtre en Normandie

Ionesco et Catherine Delattres : l'art de la déstructuration

31 Mai 2015 , Rédigé par François Vicaire

Ionesco et Catherine Delattres : l'art de la déstructuration

Molière, Feydeau, Corneille, Gombrowicz, Nathalie Sarraute, Marivaux, Tchekov et aujourd'hui et presque en même temps Ionesco et Cocteau en attendant Shakespeare l'année prochaine... Il y a chez Catherine Delattres ce qu'on pourrait appeler une boulimie de découverte qui la pousse à explorer toutes les ressources que lui offre l'écriture théâtrale :

« En fait, j'ai un tiroir dans lequel j'ai mis les auteurs que j'aime. C'est une petite réserve intime dans laquelle cohabitent des amours qui viennent de loin. C'est d'une certaine manière un bilan qui n'est jamais clôt, et qui est constitué de lectures de jeunesse, d'émotions multiples ressenties au fil d'une vie et de spectacles que j'ai vus... les souvenirs s'engrangent. J'y retrouve les personnages qui sont comme des repères littéraires autour desquels s'élabore une réflexion aboutissant à une vision... mon bonheur, c'est de voir, de rechercher, de vagabonder autour d'un texte choisi et de lui trouver les significations particulières qui vont permettre à des abstractions littéraires de prendre vie à travers le regard que l'on pose sur eux.... »

Et le regard de Catherine Delattres, c'est avant tout celui de la curiosité et celle d'une recherche qu'elle entretient en s'immergeant dans une oeuvre sans se départir jamais du respect absolu qu'elle lui doit.

Il en résulte un travail solide, attentif, cohérent, animé d'une parfaite intégrité intellectuelle dans l'art de faire cohabiter l'esprit et la lettre.

De plus, elle a su réunir une équipe de comédiens qui constitue sa famille de cœur et avec laquelle elle se sent si parfaitement en phase qu'elle peut lui demander d'aller du rire aux larmes en restant toujours d'un naturel qui répond parfaitement à la linéralité rigoureuse de ses mises en scène.

Ce qui leur permet d'aborder des répertoires qui vont des amours cavalcadantes de la jeunesse comme chez « L'Etourdi » à l'âpreté des déchirements des « Parents terribles » de Cocteau et aux circonvolultions absurdes de Ionesco.

Cocteau et Ionesco

Cocteau et Ionesco, deux personnages qui chacun à leur manière ont tenté de faire un sort au théâtre d'avant-guerre, même si « Les parents terribles » s'y apparentent encore. Mais ils ont en commun cette même volonté de déstructuration qui passe chez Cocteau par la poésie et chez Ionesco par un délire de situation qui confine à l'iconoclastie..

De quoi s'agit-il dans cette « Cantatrice chauve » dont le titre vient du lapsus d'un comédien sans rapport avec la pièce. D'ailleurs la pièce a-t-elle en réalité un rapport quelconque avec la logique d'un système qui ne repose sur rien ?

Elle est née un peu par hasard de la lecture par Ionesco de la méthode Assimil dans laquelle les mots et les phrases ne sont là que pour donner un sens à une traduction litéralle qui, elle-même, n'a pas de sens. De ce constat sans contenu, Ionesco a construit – et ce sera la prermière fois chez lui – cette folie de l'absurde dans laquelle les êtres se débattent et s'entrechoquent comme des hannetons dans un bocal. Avec un certain plaisir sadique Ionesco se complait à bousculer le langage et à déconstruire les couples. Dans sa mise en scène Catherine Delattres en fait des marionnettes qui, d'une certaine manière, ont perdu le fil de leur mémoire. Elle use avec une géméllité illusoire en jouant avec une chorégraphie dans lequel les personnages oublient leur propre reflet pour se plonger dans celui des autres et, à leur tour, mieux s 'y perdre. Dans ce jeu de glace, la mise en scène installe la folie avec un plaisir frénétique et pourtant soigneusement élaboré, car la folie ne s'improvise pas, eelle devient une décomposition progressive du verbe et de la chair. Un procédé qui est, aussi, permanent puisqu' au milieu des plusieurs fins que Ionesco propose Catherine Delattres a choisi celle qui fait reprendre au départ une action qui sombre dans un vertige sidéral.

Pour cette série de représentations à l'Aître ; Catherine Delattres ne jouera pas avec le cadre éclaté du lieu. Au contraire, elle va y construire un univers resserré dans lequel Gaëlle Bidault, Jean-François Levistre, Bernard Cherboeuf, Sophie Caritté, Gwen Buhot et Nicolas Dégremont vont se perdre dans le délire paroxismique de l'absurde.

A Rouen, - Aître Saint-Maclou – du 3 au 13 juillet (relâche le jeudi 9) à 21 heures

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