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Théâtre en Normandie

Terres de paroles : c'est la fiesta parisienne !

2 Mai 2015 , Rédigé par François Vicaire

Terres de paroles : c'est la fiesta parisienne !

La nouvelle programmation de « Terres de paroles » vient de sortir.

Mais, au fait, de quelle terre s'agit-il ? Pas de la normande en tout cas car si c'est d'elle qu'il s'agit c'est plutôt une terre brûlée. Plutôt que de sombrer dans des pataquès régionaliste, mieux vaudrait admettre qu'il s'agit tout bonnement d'un salon du livre amélioré qui prend la Normandie comme toile de fond. En effet, cette nouvelle édition, rescapée de celles qu'avait mis en place Robert Lacombe, relève d'une réflexion « chic et choc » qui, comme d'habitude, va déboucher sur des mondanités culturelles vues de la capitale. En prenant pour alibi quelques lieux régionaux, le public va s'aventurer dans les dédales d'une programmation qu'on peut imaginer sans mal dispendieuse et où se retrouvent – ou plutôt ne se retrouvent pas – des auteurs à qui on ne donnent pas justement la parole sur leur terre.

Bien sûr, il ne s'agit pas de déterrer les sempiternels Corneille, Maupassant, Flaubert, d'Aurévilly et autres têtes d'affiche anciennes.... Foin donc des gloires locales, ce serait trop facile et surtout trop public ! Pourtant il n'aurait pas été désagréable de goûter à côté des nouveautés littéraires qui vont être à juste titre proposées, à une pincée de Maurice Pons qui a ses quartier à Andé, un zeste de Michel Onfray, d'Annie Ernaux, d'Any Duperey, de Michel Bussi ou des Delerm père et fils agrémentés de quelques autres qui ont élu domicile ou qui sont toujours présents sur les terres normandes.

On pourrait jeter encore au hasard et pêle-mêle, Patrick Granville, Raymond Queneau, Armand Salacrou, Raymond Barthes le cherbourgeois et même pour faire dans le raffinement Alexis de Tocqueville dont on ne sait pas toujours qu'il fut conseiller général de Sainte-Mère Eglise. On pourrait, même, pour la rareté, remonter le temps et aller du côté de Bernardin de Saint-Pierre ou chez madame Leprince de Beaumont la « mère » de « La belle et la bête » qui était rouennaise. Et pourquoi pas faire au passage un clin d'oeil à Maurice Leblanc et son Arsène Lupin ou à son voisin Alphonse Karr qu'il a peut-être croisé aux pieds des falaises d'Etretat …. Bref, tout cela fait du monde dans lequel on pouvait puiser allègrement pour jouer avec les alternances si l'on voulait vraiment que ces terres à qui on donne la parole ne soient pas balayées par les vents de l'indifférence. Certains auteurs ont certes déjà figuré dans les premières éditions mais les autres, ou certains d'entre eux, auraient pu se fondre dans le ton résolument novateur sur le plan de l'actualité littéraire par lequel « Terres de paroles » entend se signaler. Un principe qui aurait replacé la région à sa juste place sur les plans de l'écriture et de la pensée.

Mais il y a Jeanne !

Mais l'honneur est sauf …. il y a Jeanne d'Arc qui revient en force même si on ne peut résister au plaisir d'être irrévérencieux en trouvant le sujet quelque peu … grillé !

Jusque-là, le souvenir de la sainte – pardon de l'héroïne - (enfin les deux, tout dépend de la manière dont on veut l'appréhender) se réduisait en mai à quelque jets de fleurs en Seine par un groupe de jeunes rouennaises tout voile dehors et quelques hortensias déposés au pieds de la statue du très discutable Real Del Sarte.

Par un salutaire retour de l'Histoire Jeanne revient sur les lieux de son martyre et personne ne s'en plaindra. Comme il faut mieux ne jamais trop s'éloigner des grands courants, « Terres de Paroles » lui accorde une place de premier choix. La pucelle d'Orléans fait l'objet d'une mobilisation de sommités et de spectacles qui fleurent bon la récupération. De Robert Badinter à Michel Piccoli en passant par les voix de Mitterrand et de Malraux, histoire de faire jeune, il n'y a pas moins de dix dates qui lui sont réservées. Il ne s'agit pas de les discuter et elles se placent dans la prolongement de ce que Rouen a décidé, enfin, de lui accorder. Nul ne déplorera la reprise de la superbe « Jeanne » de Deltheil ou celle du « Procès de Jeanne » de Brecht. Cela dit, on pouvait penser que dans cet illustre assemblage, la Normandie y trouverait son compte. En bonne logique, les comédiens normands auraient pu y avoir leur place d'autant plus que beaucoup d'entre eux font partie de la distribution des séquences filmées qui animent le bel et passionnant Historial à l'Archevêché.

Mais quand on feuillette la saison, on est quand même surpris de constater que sur la flopée de comédiens et lecteurs qui sont prévus dans la programmation, il n'y ait que Jean-Marc Talbot et Marie-Hélène Garnier avec en prime Jean-Pierre Brière et Bruno Putzulu. qui soient rescapés de ce défaut de mémoire artistique.

On ne se plaindra pas de leur participation, bien au contraire, mais quatre noms, aussi intéressants qu'ils soient c'est peu pour être les garants normands de cette fiesta parisienne.

Jeanne d'Arc, pour la circonstance, aurait trouvé là une belle occasion d'ajouter un exploit à sa carrière,….celui de bouter hors de l'esprit des décideurs la conviction qu'il n'y a, comme disait Villon, « de bon bec que de Paris ».

notre photos : les "rescapés" Jean-Marc Talbot et Marie-Hélène Garnier
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