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Théâtre en Normandie

L'arrivée de David Bobée : une grande bouffée d'oxygène

24 Septembre 2013 , Rédigé par Vicaire François

L'arrivée de David Bobée : une grande bouffée d'oxygène

Ce n'est pas là qu'on l'attendait vraiment !

Jusque-là David Bobée était ce feu follet génial qui dessinait les fulgurances éblouissantes d'un parcours qui depuis 15 ans n'en fini pas de surprendre et de séduire. De la danse à la musique en passant par le cirque, le tout s'appuyant sur un amour des grands textes qui est le fil rouge de sa démarche artistique, on le voyait plutôt comme un électron libre, épris de liberté et échappant aux contraintes. Et voilà que contre toute attente, il s'inscrit dans une sorte de positionnement institutionnel, qui ne le gêne pas à la tête du tout nouveau CDN..

Et c'est une bonne nouvelle pour le paysage artistique de la région.

En fait son arrivée relève de deux éléments majeurs qui sont deux surprises. Celle d'abord étant la clairvoyante et la témérité des maires de Rouen, Petit-Quevilly et Mont-Saint-Aignan qui sont restés sourds aux sirènes de l'habitude et du confort pour se lancer dans une aventure nouvelle en la confiant à un garçon de 35 ans dont la carrière était surtout motivée par une évidente et irrépressible envie de bouger aussi bien physiquement qu'intellectuellement.

La seconde a été de voir David Bobée accepter d'entrer dans ce jeu qui va l'obliger à concilier sinon l'inconciliable mais de construire en trois lieux une nouvelle philosophie sans qu'il n'interfèrent et se contrarient. Une décision qui dans le même temps l'oblige de mettre quelque peu en sommeil sa compagnie « Rictus » dont il se pourrait bien que certains éléments viennent le rejoindre à Rouen.

C'est, d'une certaine manière, revenir à cette grande unité de lieu, chère aux classiques, dans laquelle le temps et l'espace se retrouvent et s'inscrivent dans une cohérence voulue par celui qui les a installés.

L'arrivée de David Bobée : une grande bouffée d'oxygène

Brasser les populations et les intentions

En fait, il y a chez David Bobée des raisons plus profondes qui l'ont poussé à postuler pour la direction du CDN. Il y a en premier une appartenance affective à la Normandie. Il est né à Mont-Saint-Aignan. Il habite Rouen depuis 7ans. Il a passé son enfance dans l'ombre de son père Pierre Bobée qui a marqué de son empreinte humaniste et sociale le paysage politique de la région comme maire d'Yvetot pendant plus de trente ans. Il a fait ses études universitaires à Caen où il est devenu le collaborateur d' Eric Lacascade à la Comédie de Caen et où est née « Rictus ». Il connaît bien le paysage artistique de la Haute-Normandie et il a eu le temps d'en prendre les mesures, ou si l'on préfère en déterminer les limites, pour s'employer aujourd'hui à les faire exploser.

Mais il y a aussi chez ce créateur, animateur de compagnie, metteur en scène, artiste associé entre autre au Palais de Chaillot et au théâtre Gogol à Moscou une nécessité d'un retour aux sources et une envie affirmée de se mettre en quelque sorte au service d'une région et de sa population :

En compagnie des grands textes fondateurs

« Après quinze ans de travail avec ma compagnie, à chercher toujours d'autres horizons et d'autres expériences, j'avais besoin de recentrer mes activités, de faire le point et de faire des choses pour un public, pour une équipe, pour une vision s'attachant à un territoire, à ses spécificités. La maturité aidant, j'avais besoin de me mettre face à d'autres réalités. Ce projet global avec ces trois salles qui ont chacune leur caractère, me pousse à engager une réflexion sur la manière d'amener le public à circuler dans l'agglomération. C'est un enjeu pour l'avenir que de favoriser son déploiement social, ethnique, intellectuel et de susciter son éclatement. Les trois salles ont chacune leur personnalité. Il faut jouer avec ce qu'elles apportent et ce qu'on peut leur apporter... brasser les populations et les intentions... ».

Une perspective qui s'inscrit dans une démarche décentralisatrice qui va trouver son application et sa raison d'être à travers les composantes assez distinctes des trois salles à qui, jusque-là les rôles étaient traditionnellement dévolus. Ce sera le travail de David Bobée que d'exercer l'art subtil des transversales entre les publics et des salles dont les jauges vont de la plus petite aux Deux-Rives à l'intermédiaire à La Foudre » et à la plus grande à Mont-Saint-Aignan. Trois pôle qui vont s'organiser autour d'une idée force : la pluridisciplinarité :

« Je veux proposer des spectacles qui échappent à la formalité et qui passent d'un genre à l'autre dans la continuité... une chose est certaine, j'ai envie d'entendre et de faire entendre les textes fondateurs qui m'ont nourri et qui continuent de m'alimenter et qui soient le reflet de notre époque, de ses attentes, de ses peurs et de ses préoccupations. J'ai envie d'aller d'un siècle à l'autre – en évitant autant que faire se peut le XX° siècle dont on a beaucoup usé et qui n'a plus grand chose à dire, pour arriver au nôtre avec tout ce qu'il comporte de plaisirs contradictoires. Le Centre Dramatique National va m'en donner les moyens en développant les créations, mais aussi en m'appuyant sur ce qui existe comme le festival « Arts et Déchirures » dans lequel je souhaite voir le CDN s'investir. Je veux mener une politique volontaire d'ouverture, de compréhension réciproque et de bonheurs à découvrir en commun en jouant sur la convivialité des lieux d'accueil »...

Pour l'instant David Bobée prend la mesure des choses et des gens. Dans cette période intéressante et fragile que représente toujours une prise de pouvoir, il a eu la chance de bénéficier de l'appui et de l'élégance de Gérard Marcon qui s'est effacé de la compétition pour laisser le champ libre à toutes les opportunités qui pouvaient se présenter.

Bobée a donc devant lui une voie royale, dans laquelle il peut s'engager en affirmant ses intentions et ses ambitions. Celles-ci, même s'il encore trop tôt pour les développer toutes, (on sait, néanmoins qu'on verra son « Roméo et Juliette ») s'inscrivent dans une démarche d'ouverture sur la région, sur les publics, sur la nouvelle vocation qu'il veut donner aux salles mais aussi ouverture sur le monde avec en perspective des collaborations avec le Canada, la Russie et le continent africain.

Avec lui, le Centre Dramatique National va prendre de la hauteur pour mieux insuffler à la région une grande et salutaire bouffée d'oxygène.

Photos : Pascal Monet

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