Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Théâtre en Normandie

Vytas Kraujélis fait chanter le poète de l'infortune

15 Octobre 2013 , Rédigé par Vicaire François

Vytas Kraujélis fait chanter le poète de l'infortune

Tous les chemins mènent au théâtre, c'est bien connu, même s'ils prennent parfois des itinéraires plus aventureux que d'autres.C'est celui en tout cas qui aura conduit un jeune comédien lituanien Vytas Kraujélis à prendre racine au coeur de la forêt de Lyons dans la belle abbaye de Mortemer.
Dans cet environnement qui n'est pas sans évoquer pour lui les beautés légendaires de son lointain pays, il s'est retrouvé baignant dans une atmosphère empreinte tout à la fois d'histoire et de légendes. Il s'y est senti très proche d'un univers où les ruines, se confondant souvent avec les brumes de la forêt de Lyons, font surgir des silhouettes aux beautés immatérielles. Mais avant d'en arriver à ces plaisirs agrestes qu'il propose tous les étés dans des animations auxquelles participent des comédiens professionnels et des figurants de la région, il a commencé par faire ses classes théâtrales au conservatoire de Vilnius
.

Il s'y est initié à toutes les disciplines, depuis la maîtrise du texte jusqu'à celle du corps, le tout s'appuyant sur l'étude et l'approfondissement d'un répertoire allant de Shakespeare à Molière en passant par Dostoievski et Tchékov.

La culture lituanienne est d'une grande diversité mais bien évidemment c'est la découverte de cultures venues d'ailleurs qui forment l'essentiel d'une formation d'une grande rigueur, pour ne pas dire spartiate :

« C'était une formation très complète, très sollicitante qui m'a permis de comprendre ce qu'il faut trouver en soi pour être comédien. Ce fut une découverte aussi bien au niveau de l'esprit que du comportement en gardant toujours en mémoire le sentiment que l'on nous inculquait de vivre notre art sur scène et non pas dans la rue ».

Il y a une vingtaine d'années, cette petite république que l'histoire avait singulièrement ballotée entre la Russie et la Pologne, baignait encore dans cette « politique d'ambiance » qui régnait dans les satellites de l'Union soviétique même si on percevait surtout dans le milieu culturel des frémissements annonciateurs des événements à venir. Mais ce n'est pas le contexte politique qui a incité Vytas Kraujélys à prendre son bâton de pèlerin pour partir en auto-stop vers d'autres horizons.

C'est avant tout, pour découvrir et apprendre le français. Si des auteurs comme Molière et quelques autres pouvaient être étudiés facilement grâce à des traductions, Racine ou Corneille, pour ne prendre qu'eux, ne pouvaient être abordés que dans le texte original. Et où mieux que dans le pays même pouvait-on y parvenir?

Pour ce faire, il lui faudra user de subterfuges qui lui permettront, après quelques navettes infructueuses, de passer de Londres à Paris où François Florent l'accueillera dans son cours. En quatre mois de temps, il pourra se faire comprendre et jouer en français. A partir de là, Vytas Kraujélis, comme tout bon comédien qui entre dans le métier, ménera sa carrière, en faisant confiance à son travail, à son acharnement … et au hasard. Et c'est le hasard qui voudra que Jacqueline Caffin le découvrît dans un spectacle aux Andelys et lui proposera de venir à Mortemer prendre en main des animations qui donnent vie à ce « haut Moyen-âge » dont toute l'histoire du site est imprégnée.

« J'ai été séduit par le cadre, par l'ambiance, par l'enthousiasme de Jacqueline Caffin et par le pari que représentait ce qu'on me demandait de faire... mais je suis aussi, et surtout, esclave de mon imagination. J'avais besoin de me réaliser, d'échapper en quelque sorte à l'emprise des ruines pour créer ma propre réalité à travers un travail de compagnie ».

C'est de cet « esclavage » assumé qu'est né « L'Arbre doré » dont le premier spectacle sera créé à l'Espace de Forges-les-Eaux les samedi 19 et dimanche 20 octobre.

Kraujélis, fidèle à l'esthétique qu'il affectionne, a choisi de prendre et d'adapter deux textes de Rutebeuf, cet auteur du XIII° siècle qui à travers des poèmes, des romans et des pièces de théâtre dresse un paysage tout à tour courtois, cruel et mystique d'une époque à la fois grandiose dans les aspirations qu'elle développe et pitoyable dans les misères humaines qu'elle décrit.

« Le Roman de Théophile » qui forme l'essentiel du spectacle avec un second texte, lui aussi positivement reversifié par Vytas Kraujélis, met en évidence cette dualité entre la culpabilité et la rédemption, entre le miracle, éminemment humain et le mystère tout imprégné de ferveur.

On assiste ainsi au destin de Théophile depuis sa montée au pinacle à sa descente aux enfers jusqu'à ce que Notre Dame, cette grande figure de la mystique moyenâgeuse, ne vienne au bout du compte, le racheter.

Ce spectacle, qui va permettre de redécouvrir un auteur dont le souvenir reste présent à travers Léo Ferré et son « pauvre Rutebeuf », met en évidence la richesse d'inspiration et le style extrêmement actuel de celui qui se qualifiait, lui-même de « Poète de l'infortune ».

« Miracle » d'après Rutebeuf, adaptation, costume et mise en scène de Vytas Kraujélis, lumières de Romain Grenier.

Avec David Aubé, Loïc Frénaye et Véronique Chaw-Chine.

- Espace de Forges-les-Eaux – Samedi 19 octobte à 20h30 et dimanche 20 à 16h30.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article