Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Théâtre en Normandie

Acocella : l'atout majeur de l'Opéra de Rouen

10 Juin 2013

Acocella : l'atout majeur de l'Opéra de Rouen

Frédéric Roels a présenté les grandes lignes de la prochaine saison de l'Opéra de Rouen... des grandes lignes qui sont, il est vrai, de véritables fuseaux dispatchant des espaces-temps qui se dirigent sans se télecoper (du moins peut-on le croire) dans un éclatement d'intentions assez étonnant.

Mais après tout, la programmation s''étant placée sous le sceau de l'errance, il n'y a rien qui soit en réalité antinomiques dans les multiples propositions qui sont faites et la manière de s'y retrouver. « Voyez les tous » pourrait-on parodier la célèbre phrase « Dieu reconnaîtra les siens ». A défaut d'être Dieu le spectateur est roi et a la latitude de puiser dans le « melting pot » de propositions en tout genre pour y trouver les perspectives de ses bonheurs à venir.

Cette année, sur le plan lyrique, on compte huit ouvrages qui vont du plus classique au plus suprenant. Il y aura, entre autres, une « Damnation de Faust » (les 4, 6 et 8 octobre) présentée scèniquement et ce n'est pas le parti le plus simple qu'ait pris Frédéric Roels tant il est vrai que la mise en scène du tonitruant et magnifique ouvrage de Berlioz est périlleux à monter. Entre oratorio et ouvrage lyrique classique, la « Damnation » est le spectacle par excellence. Celui qui permet de mettre en valeur les forces vives d'une maison. La mobilisation y est générale, de l'orchestre au corps de ballet en passant par des masses chorales impressionnantes. C'est en quelque sorte le manifeste en faveur d'une maison d'opéra au complet dans un spectacle total qui exige d'exceptionnels moyens d'intentions et de moyens.

Ce sera à n'en pas douter un événement … et un test !

Après Carmen... encore Carmen

Suivra (les 13,15,17 novembre et 4, 6 et 8 décembre) une « Carmen intime » qui viendra compléter la présentation qui en a été donnée la saison dernière dans la mise en scène du maître de maison et qui se déroulait dans un cadre qui faisait un sort à la sensualité et à la violence flamboyante de l'ouvrage et de son héroïne. Roels n'avait sans doute pas dit son dernier mot sur l'ouvrage et il y revient avec une version digest de l'oeuvre de Bizet dont on verra si elle infirme ou si elle confirme la vision qu'il en avait.. Il y a quelques années « La tragédie de Carmen » de Peter Brook aux Bouffes-du-Nord avait été une révélation dans sa conception et dans la découverte de l'éblouissante Hélène Delavault. C'est Marius Constant qui en avait fait l'adaptation musicale. Frédéric Roels a demandé à Jacques Petit, dont on sait les grandes qualités tout à la fois d'originalité et de respect, de se charger de l'opération avec comme support musical un seul violoncelle... ce qui n'est pas anodin quand on sait combien les sonorités de ce bel instrument s'accordent merveilleusement à la tessiture qu'on attend en principe chez une mezzo.

Le « Mahlermania » qui suivra (les 6 et 7 décembre ) est une production « Automne en Normandie ». Il s'agit d'une transcription musicale de lieder de Gustav Malher. Créée à Berlin l'année dernière, elle réunit des chanteurs, des danseurs et des solistes dans un ensemble qui échappe en théorie aux conceptions intimistes du lied. On nous annonce ce spectacle comme étant « drôle, poétique et iconoclaste » et, étant en prime, susceptible de froisser les puristes oreilles malhériennes.

Sans transition (les 18, 19 et 20 décembre) on passera à un genre beaucoup léger avec une comédie musicale qui a fait les beaux soirs de Broadway dans les années cinquante, « Belles are singing ». C'est une production qui vient de Lyon et qui, là encore, fait appel au chant et à la danse avec une illustration particulière constituée de claviers et de percussions.

On était dans les « petites formes » avec Carmen, on y revient en quelque sorte avec Senta pour un concert participatif consacré au «Vaisseau fantôme » de Wagner les 31 janvier et les 1° et 2 février. On connaît le principe. L'ouvrage, sensiblement réduit, fait appel au public qui interprète certains de ses passages. Le choix du « Vaisseau » n'est pas le plus simple, ni le plus parlant pour des jeunes spectateurs auquel il s'adresse, en principe. On voit mal, à l'exception du choeur des fileuses et de celui des marins, les parties qu'ils pourraient avoir plaisir à interpréter. On verra... et on entendra ! A noter que ces opérations « en famille » se placent sous le label « à la dérive »... une appellation qu'on espère bien ne pas être prémonitoire !

Un éclectisme singulier

En mars (les 14, 16, 18 et 20) on reviendra à l'opéra à l'état pur dont la forme avait été jusque-là dans cette saison quelque peu sinon délaissée du moins mise sous le boisseau au nom de « l'expérience ». Ce sera « Don Pasquale » de Donizetti qui a fait l'objet d'une co-production importante entre un certain nombre de théâtres de France. Elle sera dirigée par Luciano Acocella qui est un des pilliers de la saison musicale et qui bénéficiera d'une distribution italienne dont on peut attendre beaucoup.

En mai (les 9, 10, 11 et 13) « Le Poème Harmonique » revient à l'Opéra de Rouen. Ce sera avec le « Dido and Aeneas » de Purcell, un opéra typiquement du XVII° anglais dans lequel les récitatifs et les airs se succèdent selon une formule qui fleure bon encore la cantate. Toutefois les élans dramatiques qu'on y surprend (avec l'utilisation importante des choeurs) et la souplesse mélodique de son ornementation stylistique, font souffler un air de liberté et de nouveauté sur un système engoncé encore à l'époque dans une tradition où le « masque » tenait alors autant, si ce n'est plus, de place que la musique. Dumestre et son équipe vont s'employer à animer ce qui dut être considéré comme une salutaire bouffée d'oxygène restée hélas sans lendemain puisque l'opéra ne fut donné qu'une fois et, de surcroît, en représentation privée.. Dans le rôle de Didon, Viveca Genaux sera sans nul doute dans un élément vocalement plus naturel que dans les séguédilles de la Carmencita.
Enfin, denier volet de cette saison lyrique d'un éclectisme singulier, on aura en juin dans une production d'Aix-en-Provence, « La Finta Giardiniera » de Mozart... un opéra de jeunesse (il n'avait pas vingt ans qund il l'écrivit) dans lequel la fraîcheur, l'invention, la spontanéité devraient être servies par une distribution dans laquelle figureront les éléments de la jeune troupe du théâtre.

Le programme dit « vocal » se situe dans le même esprit de confrontations diverses et sans réelles intentions de leur trouver des complémentarités. Mais après tout l'ennui venant de l'uniformité, on ne risque pas de voir la saison de l'Opéra de Rouen s'enliser dans la morosité et le conventionnel. Il s'agit, semble-t-il, d'accomoder les genres et de mettre en évidence leurs différences sans qu'une ligne de conduite les réunisse vraiment. On verra ainsi, la « Salsa du diable » (30 septembre) de Arnaud Marzorati faire voisiner Léo Ferré, Offenbach, Higelin et Charles Trenet avec les « Grands motets versaillais » par l'ensemble Pygmalion (13 octobre). Francis Poulenc et Thierry Pécou se retrouveront dans un moment musical en compagnie d' Alexandre Tharaud (le 20 octobre) et les musiques du Brésil (le 17 mai) avec un surprenant trio composé de Nathalie Dessay, Agnès Jaoui et Helena Noguerra..

François Lazarevitch et ses « musiciens de Saint-Julien » (le 23 mai) mèneront le bal autour sur « L'autre bord de la grande Ile » avec des chansons traditionnelles de France, du Canada et d'Angleterre tandis que le « Faust et Hélène » de la trop vite oubliée Lili Boulanger répondront (le 11 octobre) aux «Voix intérieures » d'Accentus,(le 14 mai) qui mettra face à face– en opposition ? - le très classique Carlo Gesualdo et les très contemporains Francesca Verunelli et Pascal Dusapin.

Brahms, Mahler, Strauss et Ravel

Mais, disons le tout net, c'est du côté de la programmation orchestrale que devraient venir tous les plaisirs avec de beaux programmes dirigés principalement par Luciano Acocella qui sera la véritable tête d'affiche de cette saison dont on dit qu'elle devrait être sa dernière à Rouen : un grand concert Brahms (les 18 et 19 octobre) avec le violoniste Laurent Korcia, un « Prokoviev/Mozart le 25 octobre avec les soeurs Bizjak, deux Beethoven ( le concerto N° 1 et la septième) avec en soliste Philippe Entremont... un concert du nouvel an (le 5 janvier) consacré à la neuvième de Beethoven... un hommage à Mahler (les 7 et 8 février) avec Jane Peters en soliste... un programme consacré à Richard Strauss (les 19 et 20 juin) avec la suite du « Chevalier à la rose », « Mort et transfiguration » les quatre derniers et admirables lieder et en prime « La valse » de Ravel. De beaux moments dans lesquel s'inscrit un concert pour orgue (les 24 et 28 juin) à Saint-Ouen pour lequel Oswald Sallaberger dirigera des oeuvres de Poulenc, Arvo Pärt et Beethoven.

La musique de chambre tient une place importante dans cette programmation dont le sommet sera (les 10, 11 et 12 janvier) l'intégrale des quatuors de Beethoven par le quatuor Ysaïe.

Beaucoup de musique encore, mais aussi de la danse avec des « pointures » comme Mourad Merzouki, Carolyn Carlon ou Sasha Waltz.

Cela représente de beaux moments en perspectives qui risquent d'emmener le public loin des sentiers battus, dans une « errance » où chacun devrait pouvoir trouver son compte.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article